Parentalité : Niveau 3
Devenir parent : gros délire amirite.
Salut,
Ça fait bientôt 2 ans que je suis devenue mère. Je pense qu’il faut fêter ça, d’une manière ou d’une autre. S’embarquer dans un voyage qui n’a aucune destination, dont on ne connaît pas les escales, avec un·e compagnon·e qu’on ne connaît pas non plus, ça ressemble un peu à la folie.
Je garde un souvenir très aigu de mes premiers mois de parentalité. Très aigu comme une épine plantée profondément entre deux côtes, qui menace à tout moment de perforer un poumon. J’ai un trait toxique, qui est que je pense que je peux réussir, facilement et rapidement, tout ce que j’entreprends. Quand j’ai tort, j’abandonne avant d’arriver à l’échec. On comprendra aisément l’état de panique quand j’ai constaté, au bout de quelques semaines, que je ne venais pas facilement à bout de l’effort banal et quotidien, et pourtant répété et surhumain, d’être mère.
Je sais que certaines mères partent. J’ai lu des histoires, j’en ai même écrit une, et j’espère que vous me croirez, si vous la lisez un jour, quand je dis et répéterai, que dans cette histoire, la mère qui part n’est pas une version fantasmée de ce que j’aurais aimé faire.1 Je n’ai jamais imaginé partir, je me suis juste sentie rapetisser. Rabougrir ? Je pense que si j’ai évité la dépression post-partum, c’est parce que j’avais un système de soutien infaillible. Bref, tout ça pour dire que devenir mère a été plus difficile pour moi que prévu.
Ce matin, en me demandant ce que j’allais bien pouvoir vous raconter, ne voyant pas d’autre sujet que celui de l’anniversaire de ma fille qui approche et qu’elle réclame, j’ai repensé aux Sims.
Dans les Sims, quand on a les extensions sur la famille, on débloque la possibilité d’explorer une nouvelle compétence, la Parentalité. Comme les autres, elle a 10 niveaux, chacun permettant de débloquer de nouvelles actions, et de les accomplir avec plus de succès. On prend des niveaux en exécutant des tâches quotidiennes et répétitives (changer la couche, apprendre à parler, à marcher, aider aux devoirs), mais dans les versions plus récentes du jeu, on peut aussi échanger sur des forums en ligne et lire des livres.
On peut, théoriquement, monter au niveau 10 de la Parentalité en quelques jours-jeu en lisant tous les livres sur le sujet à la suite. Ça se fait forcément au détriment de tous les besoins primaires de notre personnage (hygiène personnelle, vie sociale, satiété) et de ses obligations (le travail, s’occuper réellement de l’enfant). Si on a lu tous les livres sur la Parentalité, on est bel et bien un parent efficace. Mais les niveaux de Parentalité n’alimentent pas la barre de relation avec le ou les enfants dont on s’occupe. Pour ça, il n’y a qu’une solution : interagir effectivement avec elleux.
Pas maintenant ma chérie, maman est occupée à lire tout le forum Doctissimo sur la parentalité.
Ça fait bientôt deux ans que je suis mère et je suis peut-être niveau 3, ou 4, en Parentalité. Je repense très souvent à quelque chose que m’avait dit Taous Merakchi, que je paraphrase faute d’avoir pu la retrouver : on a beau se préparer, lire des livres, écouter celles qui sont passées là avant nous, il y a des épreuves par le feu qu’on n’a pas le choix de traverser pour comprendre la leçon.
Les leçons sont pourtant évidentes ; que tout passe, que rien ne compte à part l’amour, qu’on n’est pas une mauvaise mère parce qu’on trouve ça dur, ni parce qu’on est contente de souffler loin d’un enfant parfois. Qu’on ne peut pas être un Parent Parfait™️, déjà dans l’absolu c’est assez impossible, mais surtout pas dès le début. Chaque enfant qui naît essuie les plâtres de son ou ses parents qui (re)découvrent ce que c’est, de s’occuper d’un être à la fois totalement dépendant et ingrat. Et c’est OK.
Aucun livre, aucune formation ne permet d’atteindre le niveau 10 en Parentalité avant la naissance de l’enfant. Et même si c’était possible, rien ne permet de développer une relation avec un enfant, à part : se mettre en lien avec son enfant.
C’est ce que je préfère, dans la parentalité, et c’est indéniablement plus facile depuis que mon enfant parle, par exemple. Le fait qu’on puisse avoir des conversations, ça me bouleverse. Évidemment, que je suis plus à l’aise dans mon rôle de mère maintenant qu’on partage l’usage des mots – c’était assez prévisible, en fait, j’aurais pu me rassurer plus tôt. Mais il fallait passer l’épreuve, les silences, les bruits incompréhensibles, l’incertitude. Aujourd’hui, je suis 100% bilingue en Francisse et j’en suis pas peu fière.
Je suis mère depuis presque 2 ans et je suis étrangement sereine. J’ai le sentiment que le plus difficile est derrière moi.2 Il y aura forcément des moments compliqués (héhé, le Terrible Two, le Threenager, le Fucking Four, blablabla) mais si je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, je sais de quoi le passé était composé et que je ne serai plus jamais un parent de Niveau 0. À chaque compétence que développe mon enfant, j’en développe une aussi. Belle équipe, en route pour les JO.
L’an dernier, j’avais à peine la force de faire moi-même les gâteaux pour la fête d’anniversaire de cette enfant. Je ne dis pas qu’il faut faire les gâteaux soi-même, mais c’est un bon curseur de mon rapport à moi-même : j’adore cuisiner, j’adore faire des gâteaux, et si je n’ai pas la force de le faire, c’est que ça ne va pas fort. Cette année, non seulement je fais des gâteaux, mais en plus je suis en train de réaliser une guirlande de fanions, cela implique beaucoup de cartons colorés et une maîtrise du scalpel que je n’ai pas oubliée (je suis désormais chirurgienne). Je me retrouve. Je redeviens moi-même, une Sim imparfaite, niveau 6 en Écriture, niveau 2 en Fitness, niveau 3 et demi en Parentalité. Mais mes jauges de besoins primaires sont toutes au vert.
À toutes les mères en galère devant les visages contorsionnés de nourrissons inintelligibles : promis, tout, même ça, passe un jour. C’est en forgeant qu’on devient forgeronnes. N'oubliez pas vos jauges. ❤️
À bientôt,
Pauline
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En réalité, c’est plus une version fantasmée de ce que j’aurais pu faire, si j’avais poursuivi ma grossesse au lieu d’avorter en 2018. Voilà, un petit secret, gardez-le bien au chaud. ↩
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Si vous êtes parent·e d’un·e enfant de 4, 8, 16 ou 32 ans et que vous tenez absolument à me faire savoir que le pire est à venir, songez gentiment à vous abstenir. ❤️ ↩
Franchement, j'ai trouvé ça super dur jusqu'à ses trois ans (ou elle a effectivement commencé à parler, ça simplifie beaucoup de choses) et puis après ça n'a été qu'en mieux. L'Enfant a eu 15 ans cette année. Et c'est tellement cool d'avoir une ado! Je pense qu'elle me donne sûrement 10/10 quand elle a faim et que je la nourris et 1/10 quand je la réveille le matin 😁. Mais moi je me mets niveau 10 parce que j'ai réussi à l'accompagner sans violence vers l'autonomie et que vu ma famille c'était vraiment pas gagné d'avance. Les gens disent "petit enfant petit soucis grand enfant grand soucis" C'est juste de la merde pour gaslight les parents de jeunes enfants épuisés qui ont le malheur de se plaindre. Je m'inquiète toujours pour elle, mais pas de la même façon et clairement pas avec la même intensité, c'est plus du tout une charge mentale permanente. Elle prend et va prendre ses décisions, bonnes ou mauvaises, et moi peut etre que ça m'inquietera mais en fait j'ai toute confiance en elle et elle sait qu'on sera toujours là pour assurer ses arrières, sans aucun jugement de valeurs.
Salut Pauline Et bien moi, je te dirais que tu n'as pas fini de t'éclater alors parce que, comme tu t'en doutes, les échanges deviennent plus élaborés avec le temps. Et moi, s'il y a bien un truc qui me fait kiffer dans la parentalité, ce sont les discussions avec mes enfants grandissent : je trouve ça passionnant, j'aime leur expliquer des choses sur le monde, j'adore l'interaction qui se complexifie. Et pour l'instant, j'adore le début de l'adolescence (ils ont 7, 12 et 14 ans). Seul point noir : les fautes d'orthographe dans leurs messages sur WhatsApp 🙄. Bonne progression vers le prochain level !