Mamoune-land
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1Salut,
Hier, lors d’une longue conversation avec une amie chère, j’ai réalisé que quand j’ai appris ma grossesse, j’étais submergée de joie mais je pensais que ça n’allait pas vraiment bouleverser mon quotidien. Elle m’a rappelé que quand je lui ai annoncé, elle m’avait dit « Oh lala, tout va changer », et j’avais répondu, par-dessus la jambe : « Tu t’inquiètes pour des trucs qui ne m’inquiètent même pas, on a le temps de voir venir ». Et si c’était vrai pour quelques petites choses qui ont le temps de s’étaler devant nous (dans quoi va dormir cet·te enfant, comment va-t-iel s’appeler, ce genre de détails), je n’avais absolument pas anticipé la place que prendrait ma grossesse dans ma vie.
J’y réfléchissais en me demandant ce que j’allais vous raconter cette semaine, et l’écho énorme avec mon avortement m’a frappée de plein fouet. Je pensais tellement sincèrement que mon avortement allait me traverser et me laisser, pas forcément identique mais pas fondamentalement occupée, que j’ai été vraiment prise de court quand ça a en fait occupé l’intégralité de mes pensées pendant si longtemps. Il y avait, dans mon déni d’importance, quelque chose de l’ordre du corporel, tellement moins intéressant pour moi, tellement moins noble que les choses de l’esprit. Et il y avait aussi, par-dessus ça qui m’est assez personnel (même si peut-être très occidental ?), le stigmate du vécu féminin. À quoi bon le raconter, à quoi bon emmerder le monde avec mes histoires de bonne femme : milliards sont passées par là avant moi et n’en ont pas fait un foin, pourquoi moi, je devrais prendre de la place avec un vécu somme toute banale et boring ? Ce stigmate, je le vis maintenant comme un vestige bien ancré de misogynie intériorisée.
J’ai beau être fascinée depuis très très longtemps par les récits des vécus dits féminins (à 18 ans je me suis perdue pendant des semaines dans des récits d’accouchements, alors que je n’étais pas du tout sur la route de la maternité : par pure curiosité), je ne peux m’empêcher de craindre que me joindre au chœur des femmes me rende moins intéressante. Moins fun, moins pertinente, moins intelligente, moins cool. Plus chiante.