Et ça se voit à l’extérieur
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Salut,
Je suis dans un train – ça commence à être pénible, les trains. Je sens mes mollets qui gonflent, un point douloureux à l’intérieur, si je m’étire trop j’ai une crampe, et après c’est contracté et je vais voir le médecin un peu catastrophée à l’idée de commencer une phlébite. Je réalise dans la voiture de ma sœur qui m’emmène chez l’angiologue « pour écarter le pire » qu’il y a six mois, en cas de douleur dans le mollet après quelques crampes, j’aurais tout massé à l’huile pour les courbatures et j’aurais attendu que ça passe. Mais là, il y avait le spectre de la phlébite, du danger, d’un truc autrefois bénin qui devient maintenant peut-être un peu grave, au cas où il vaut mieux s’assurer. Et pis je peux plus me badigeonner d’huiles essentielles ou de baume du tigre, finie la goutte d’huile de menthe poivrée sur mon dentifrice juste parce que j’aime bien le goût frais. Même le gel jambes légères d’Yves Rocher a sa petite femme enceinte barrée sur le flacon.
Avant, je dormais sur le côté, le gauche ou le droit de manière indiscriminée. En général, en fait, je commençais ma nuit sur le côté droit pour toucher la peau de mon amoureux, et je la finissais sur le côté gauche, face à la table de chevet, plus pratique pour vérifier l’heure ou boire une gorgée d’eau. Mais là, quand je me couche sur le côté droit, ça fait un peu mal, je sens mon sang battre dans mon ventre, quelque chose est comprimé1, alors pour la première fois de ma vie j’arrive à m’endormir sur le dos – toujours pour toucher mon partenaire du bout des doigts avant de sombrer, une main sur lui et l’autre sur mon ventre qui, toujours à la nuit tombée quand le calme nous recouvre, se met à gigoter.
Avant je mangeais tous les fromages, je buvais tous les vins toutes les bières, je traversais parfois au petit bonhomme rouge2, je fumais quand d’autres fumaient autour de moi et quand je ne fumais pas, ça ne me gênait pas que d’autres le fassent à côté de moi, je laissais traîner mes petites douleurs, tout ça ne concernait que moi. Ce n’est plus vraiment le cas, et ça me transperce parfois par fulgurances. Il y a une petite personne à l’intérieur de moi qui ne peut pas choisir si elle a envie de sentir dans sa petite bulle l’odeur de la clope du voisin.3