Déambuler dans L'art de marcher, de Rebecca Solnit
Où je raconte ma lecture de *L'art de marcher* et mon rapport à la marche, ces temps-ci.
Salut,
Ma première lecture de l’année a été L’art de marcher,1 un long essai de Rebecca Solnit dont je n’avais jusqu’alors encore rien lu. N’est-ce pas un peu enthousiasmant, de découvrir un·e artiste, non pas par l’oeuvre pour laquelle iel est le plus connu·e (ici, ce serait sûrement Ces hommes qui m’expliquent la vie)2, mais par une porte dérobée ? J’ai lu L’art de marcher sur le temps long, et ses derniers chapitres dans un décor idéal : j’ai passé 24 heures à Strasbourg pour participer à la table ronde sur l’IVG organisée par le Planning Familial de Strasbourg. La loi aléatoire des horaires de trains a fait que j’ai pu marcher dans cette ville qui m’était inconnue.
C’est assez rare pour moi d’avoir le temps de marcher en déplacement professionnel. Je fais des zip-zap, gare-métro-événement-métro-gare, parfois un stop dans un endroit pour dormir mais je rentre vite chez moi. Mais je marche beaucoup au quotidien : je n’ai pas de voiture, et si quand j’étais plus jeune (et que le prix de mon abonnement était absorbé par ma bourse) j’étais du genre à prendre le métro (lillois) pour faire 2 stations (l’équivalent de 20 min de marche la plupart du temps), aujourd’hui je vais bien plus volontiers me déplacer à pied. Je connais de mieux en mieux ma ville, mais de fait, très mal celles où je passe en un coup de vent pour aller bosser.
Et je trouve ça dommage. Dans L’art de marcher, Solnit passe quelques temps dans le tout dernier chapitre à questionner le rapport incohérent à la marche qu’on a développé dans l’ère moderne. L’essai, sorti en 2000 en anglais, et profondément américain, parle de ces villes tentaculaires qui n’ont jamais été construites pour la vie piétonne. Los Angeles, étalée de tout son long, coupée par des autoroutes, Tucson, qui n’a pas de trottoirs apparemment ?, Las Vegas et son nuage de pollution au milieu d’un désert à couper le souffle. Dans le même temps, des gens payent de abonnements pour aller marcher sur des tapis stationnaires dans des salles de sport climatisées. La marche n’est plus un moyen de déplacement mais une activité physique : peu importerait la destination, encore moins le paysage, tant que les calories ont été dépensées. Évidemment grande randonneuse, Solnit ne comprend pas bien le délire.