Quatre kilomètres à pied
Redécouverte de mon corps après la grossesse avec le sport et la course à pied. Où l'on trouve de la force, de la satisfaction, et où l'on colmate des failles.
Salut,
Y en a une qui s’est clairement surestimée sur la livraison des newsletters en août... 🤡 J’avais dit que je faisais tout mon possible, je m’étais prévu des plages de travail qui impliquaient de confier ma fille à des personnes adultes et volontaires, et puis en fait, la vie m’a rattrapée. Mais d’une bonne manière, hein. D’une manière qui m’a fait penser, semaine 1 : mais attends, j’ai envie d’aller au parc avec ma fille, j’ai envie d’aller à piscine avec ma fille, j’ai envie de chiller, de profiter, de bouquiner quand elle dort et de ne même pas emporter mon ordinateur. J’espère que vous comprendrez toustes que j’ai choisi de kiffer la vibe.
On est donc presque mi-août, il fait déjà 26°C à 10h40, et ce n’est pas du tout ce matin que j’ai chaussé mes baskets pour aller courir mes 4 km maintenant habituels. Autant prendre un peu de temps pour vous en parler, du coup. C’est presque comme faire du sport, d’en parler. Comment ça, pas du tout ?
Avant toute chose, j’ai décidé de vous raconter ma vie ici, et de répondre aux questions que vous m’avez posées sur le programme de course que j’ai fait, plus en détail sur mon blog avec une bonne vieille FAQ à l’ancienne. Ainsi, celleux qui veulent une histoire restent ici chez elleux, et celleux qui sont en quête de réponses, peuvent tout simplement cliquer sur ce lien.
Ça fait trois mois et demi que je cours. Ça a commencé comme un pari, celui d’apprendre à courir en même temps que le personnage principal de la comédie romantique que j’ai eue envie d’écrire sur un coup de tête. Mais aussi celui de pouvoir courir dans la forêt avec mon amie Marion, sans galérer autant que la première fois. Au fond, c’était peut-être le pari de retrouver mon corps, encore une fois.
J’ai passé beaucoup de temps à considérer mon corps comme une simple machine, à m’en détacher le plus possible, pour ne pas en être l’esclave. Pendant longtemps, j’aurais aimé être un pur esprit, loin des considérations bassement matérielles que sont l’alimentation, l’état de la peau, la souplesse des articulations. Sans grande surprise, je n’étais pas très heureuse puisque le corps sait se rappeler au bon souvenir de qui veut l’oublier. Un jour, j’ai fait du yoga pour la première fois, et j’ai commencer à retrouver mon corps. J’ai appris à habiter dedans sans lui en vouloir, et d’ailleurs j’ai appris à arrêter de parler de lui à la troisième personne, et depuis, on ne fait qu’un. Ou presque.
Je pensais alors qu’une fois retrouvé, le corps ne se perd plus. C’est une erreur que j’imagine courante, à l’image de l’assurance de la jeunesse qui croit tout savoir sans avoir vécu grand-chose. Et puis j’ai été enceinte.
La grossesse, l’accouchement, le post-partum ont été un processus d’aliénation d’avec mon corps qui a duré plus d’un an. C’est un peu comme tomber en désamour, j’imagine. J’ai senti la faille s’agrandir sans savoir comment la colmater, jusqu’à ce qu’elle ressemble à un gouffre, mon cerveau d’un côté (dont je suis irrémédiablement fière, au diable les coquetteries), et mon corps de l’autre. Distendu, flasque, abîmé, mais aussi puissant, endurant, capable de tant. Une faille dans la faille, comment réconcilier ces deux images de moi ?
J’ai refait un peu de yoga, mais quelque chose clochait. Le yoga me demandait trop d’être dans l’instant présent. D’être lente, attentive, dans mon corps. Moi, à ce moment-là, j’avais furieusement besoin d’être partout à la fois. De tout rentabiliser, de presser chaque citron jusqu’à la dernière goutte. Je voulais prendre du muscle, améliorer mon cardio, avoir des courbatures, sortir de chez moi, écouter des podcasts, transpirer, avoir une obligation morale, me dépasser.
J’ai repris un abonnement à la salle de sport. J’ai fait un programme de remise en forme, j’ai été fière de moi, j’ai fait des squats, des pompes, utilisé des machines, écouté les podcasts, je me suis dépassée, j’ai transpiré, je suis devenue plus forte. J’ai terminé le programme. Et maintenant quoi ?
Un souvenir m’est revenu. Un visage sévère, des cheveux poivre et sel coupés courts, des lunettes aux montures discrètes, un rire sarcastique et une voix éraillée. Ma prof d’EPS du collège. La seule fois qu’un·e enseignant·e d’EPS n’a pas été horrible avec moi, et m’a donné des billes. Si les cours d’endurance n’ont jamais cessé d’être des calvaires pour moi, je me souviens que grâce à ses encouragements, j’avais réussi à courir 10 tours de piste pour la Course contre la faim. Elle ne s’est jamais moquée, elle a toujours cru en moi.
Courir avec Marion, dans la forêt, a ressemblé à cette expérience. Bienveillance et fermeté : on va courir sans pression, mais on va courir pour de vrai. On fait le tour. On peut s’arrêter quand on veut mais ce serait tellement plus cool de ne pas s’arrêter. J’ai eu des courbatures pendant 3 jours, mais j’ai ressenti une satisfaction qui n’aurait pas été la même si Marion ne m’avait pas laissée être démesurément fière de mon effort.
En rentrant chez moi après la forêt, j’ai eu envie de continuer. Ce qui m’a plu dans la course à pied, c’était tout l’inverse de ce qui me plaît dans le yoga. Je n’avais pas besoin d’être là. Quelqu’un me disait quoi faire et quand, et entre deux je pouvais laisser mon esprit vagabonder – j’ai eu beaucoup d’idées à incorporer dans mon roman pendant les 2 mois du programme. Pourtant, sans être tout à fait là, j’ai bien senti que quelque chose se passait dans mon corps et qu’on était en train de se rapprocher à nouveau.
Moi qui souffrais d’insomnies depuis mon accouchement, très vite, j’ai mieux dormi. Mon mal de dos a disparu. Je me suis mise à me tenir plus droit sans en souffrir, j’ai pu m’accroupir à hauteur de mon enfant sans grimacer, la porter plus longtemps, monter des escaliers, marcher plus vite. Je ne le faisais pas pour ça, je n’espérais pas grand-chose, je voulais juste au départ pouvoir donner au personnage de mon roman des ressentis vraisemblables. C’est un personnage qui a de l’anxiété nocturne au début du texte, des crises d’angoisse que la course à pied parvient à faire taire (ça, et l’amour aussi).
J’ai commencé à courir pour déterminer si une meuf très molle et un peu fainéante en était capable.
J’en étais capable.
Quand le programme de course, et le premier jet de mon roman, ont été terminés, j’ai décidé de continuer à courir. J’ai l’impression que chaque foulée me rapproche de ce corps dont je suis fière, qui est le mien, qui n’est rien d’autre que moi et ce que j’en fais. Je ne me suis jamais autant connue moi-même qu’en ce moment. Ce n’est pas que la course à pied, ça n’aurait aucun sens de dire ça, mais sûrement que la course à pied est arrivée pile au bon moment.
Au moment où j’étais prête à reconnaître le bruit de mon cœur qui bat dans mes oreilles, la sensation des muscles qui tirent dans mes mollets. Prête à prendre le temps de courir, mais en fait surtout du temps pour moi, prête à faire du sport pour autre chose que mincir, prête à oublier que je ne suis pas sportive, prête à repartir de zéro.
J’ai fait le programme Couch To 5K avec une discipline de fer, une certaine intransigeance. J’ai tout bougé pour pouvoir courir, c’était ma plus grande priorité. Ça fait un mois que le programme est fini, et je continue de courir mais je me lâche du lest. Quand il a fait 38°C, je n’ai pas fait la mariole et j’ai remplacé la course par du yoga – j’ai retrouvé le yoga. J’ai découvert que les muscles renforcés par la course étaient plus forts aussi dans les postures de yoga qui me demandaient le plus d’effort. J’ai découvert que je n’aime courir que le matin après le petit-déj, et qu’après 11h mon corps est trop lourd et trop lent, tout est beaucoup plus difficile.
Cette semaine, personne ne peut garder ma fille le temps que j’aille courir. Je vais décider que c’est OK. Faire du yoga pendant ses siestes. Reprendre la course à la rentrée. Décider que je suis plus forte que ce que je crois – j’ai grandi en pensant que j’abandonnais toujours à la première difficulté. Je ne suis plus si sûre que ce soit vrai.
Peut-être que je cours pour me rassembler.
Bonne fin d’été les ami·es ! Je ne vais pas vous faire l’affront de vous promettre d’autres newsletters alors que je n’ai aucune idée de ce à quoi vont ressembler les dernières semaines d’août. On se retrouve un jour avant la fin du monde, très certainement le premier dimanche de septembre, pour la prochaine lettre gratuite.
À bientôt,
Pauline
PS : Je me suis fait 4 playlists de course à pied, qui durent chacune à peu près 40 min : 5 min de marche rapide pour s’échauffer, 30 min de course, et 5 min de marche rapide pour récupérer. Je vous les mets ici (un deux trois quatre), si ça vous intéresse. Ce ne sont que mes goûts pour le dramatique et les tempos agités, mais elles me conviennent parfaitement. Et je vous remets ici le lien vers la FAQ pratico-pratique sur mon blog.