(Bonus) The Pauline Harmange Summer Of Love Stories
Mon best-of des comédies romantiques lues et vues cet été. La dernière ne va probablement pas vous surprendre.
Salut,
Une (trop longue) missive avant la lettre gratuite de dimanche, parce que je vous ai promis des bonus, et qui suis-je sinon une foutue teneuse de promesses ? Me voici donc, agile et furtive telle une rusée renarde, avec l’ambition de vous délivrer brièvement (voix de la narratrice : une tentative vouée à l’échec.) le récap’ de mon (long) été de roms et de coms en tout genre. Le best of the best, parce que j’ai vu et lu des choses assez oubliables, que je vous épargnerai.
Let’s go, avec un sommaire parce que je respecte votre temps.
Sommaire !
Romans
Romantic Comedy, par Curtis Sittenfeld
Pêchée dans la newsletter Earworm, de Marie Telling, cette recommandation ne pouvait que me parler. Un titre pareil, vraiment.
Publié en 2023, ce roman est l’histoire d’une écrivaine pour (grosso modo) SNL1, qui ne croit pas trop en l’amour et rencontre sur son lieu de travail un chanteur ultra populaire, ultra mignon. Des ingrédients bien connus, la question maintenant c’est de savoir si la mayonnaise va prendre.
J’ai été surprise, parce que Marie Telling ne l’avait pas survendu (bravo à elle), d’avoir un vrai coup de cœur pour Romantic Comedy. Si, au départ, les très nombreux détails de la vie d’une autrice sur le sketch-show le plus populaire d’Amérique m’ennuyait un tantinet, j’ai ensuite été assez embarquée et je suis tombée amoureuse vers la moitié du livre, quand ce rythme de train-train effréné est cassé par la pandémie de Covid.
J’ai aimé les deux personnages, leurs personnalités, leurs faiblesses, leurs petites excentricités. J’ai aimé que la narration subvertisse un peu la recette classique2, et qu’une grande partie de l’histoire se déroule de manière épistolaire, un genre largement sous-estimé et assez difficile à exécuter. C’était aussi, surtout, très bien écrit. C’est assez rare que je sois impressionnée par le style d’une comédie romantique. Je considère que ce n’est pas vraiment son taf, à la comédie romantique, où d’ailleurs les envolées lyriques et la poésie peuvent très vite faire basculer un texte de « chouette » à « un peu ridicule », car la ligne vers le pathos et le gnangnan est assez fine dans le genre. Ici, de très belles expressions pour parler à la fois de la solitude et aussi de l’émoi amoureux, j’en garde un excellent souvenir et je serais ravie de le relire plus tard.
The Paradise Problem, de Christina Lauren
Je l’ai lu en mai et je ne vous l’ai pas recommandé tout de suite, mais je me suis beaucoup amusée avec ce roman et j’y repense régulièrement.
C’est l’histoire d’Anna, qui contracte un mariage blanc avec Weston pour avoir accès à un logement social pendant leurs études à l’université. Elle pense aussi qu’elle a divorcé quand ils ont tous les deux eu leurs diplômes (elle devrait mieux lire les papiers qu’elle signe). 3 ans plus tard, celui qui est légalement toujours son mari lui demande un grand service : prétendre être vraiment sa femme, devant toute sa famille, le temps d’une semaine sur une île paradisiaque. TROPE IS: FAKE DATING!3 L’hétérosexualité nous rend malades !
Mais là encore, si ça m’a plu c’est parce que ce n’est pas aussi idiot que ça en a l’air. C’est que Christina Lauren ont4 le don de parer à mes reproches. Déjà, l’ambiance est un clair crossover entre Succession et The White Lotus, mais s’il y avait au moins 2 personnes qui ont une morale dans tout ça. Ayant adoré la première série et bien aimé la seconde, j’étais parée pour la vibe « paradis empoisonné ». Et puis l’alchimie entre les personnages fonctionne, le riche héritier n’a jamais honte de sa femme qui était high à la weed dans un t-shirt taché quand il est venu la chercher, et il y a un petit mystère qui met toute la famille en tension, et pour une fois les intrigues secondaires à la romance ne m’ont pas ennuyée du tout.
C’était drôle, mignon et bien ficelé : je recommande.
Autoboyography, par Christina Lauren
Une des dernières romcoms que j’ai lues avant de dire stop, est celle-ci que m’a chaudement recommandé mon amie Julie il y a plusieurs mois, mais que je rechignais un peu à lire car elle est destinée à un public de jeunes adultes. Je ne suis plus une jeune adulte. Je suis une adulte, point. J’ai dix-sept mille cheveux blancs.
Bien mal m’en a pris ! Quand j’ai décidé qu’il fallait bientôt revenir à des lectures sérieuses, j’ai laissé sa chance à Autoboyography parce que c’est queer, et que la littérature YA promet une douceur à laquelle nous, vieux adultes, n’avons pas toujours le droit. Alors attention.
C’est l’histoire de Tanner, ado bisexuel qui a grandi dans l’État libéral de Californie, et dont les parents ont déménagé récemment en Utah, dans une ville où tout le monde est... Mormon. Lui qui était autrefois out sans problème est désormais dans le placard, jusqu’à ce qu’un programme scolaire lui fasse rencontrer Sebastian, qui est très séduisant mais aussi très très Mormon (littéralement, le fils du prêtre).
Je n’avais rien lu sur ce livre avant de le commencer, et tout l’aspect « Mormonisme » m’a, pour ainsi dire, prise de court. J’ai parfois été un peu agacée par ce que je percevais comme des tentatives de rendre cette religion plus digeste pour les lecteur·ices. Mais c’est peut-être parce qu’en France, le Mormonisme est peu courant, alors qu’aux USA ses croyants ont quasiment un État entier pour eux tous seuls.
C’était au final un roman d’apprentissage qui m’a rappelé Aristote et Dante découvrent les secrets de l'Univers, de Benjamin Alire Saenz, que je recommande également : il est question de qui on est, de qui on s’autorise à être, et de ce qui est important, à l’âge où tout pourrait l’être, mais où il faut choisir. C’est un roman très émouvant, sans oublier d’être drôle, ni intransigeant sur son message.
Autoboyography est disponible en français sous le tire Autoboyographie, publié par Hugo Romans et traduit par Anaïs Goacolou.
Films
Before Sunrise, de Richard Linklater
Un petit conseil pour une expérience optimale : regarder ce film pendant un trajet en train.
Il date, Before Sunrise, j’avais quelques mois quand il est sorti. Il a fait date, puisqu’il a donné naissance à une trilogie qui s’étale sur 18 ans, où on peut retrouvé Ethan Hawke et Julie Delpy tous les 9 ans. Je n’ai pas encore vu les deux autres volets de la trilogie, mais j’ai été impressionnée par celui-ci.
C’est l’histoire de Céline et de Jesse, qui se rencontrent dans un train. Ils discutent, se plaisent, c’est indéniable. L’une, Française, rentre à Paris, l’autre, Américain, a demain matin un avion qui part de Budapest pour le ramener chez lui. Ils décident, sur un coup de tête, de passer la nuit ensemble dans la capitale hongroise.
C’est un film de dialogues, de moments suspendus, de belles images. Ça cause beaucoup, et avec l’arrogance de la jeunesse : ils ont la vingtaine, ils pensent tout savoir sur tout, ont des idées si bien arrêtées que moi, dix ans plus vieille qu’eux, je les regarde avec une tendresse un peu agacée. Mais ce moment suspendu m’accompagne encore. Je pense souvent à la folie de passer une nuit à arpenter une ville inconnue avec un inconnu. À combien Céline doit avoir le cœur qui bat. Au fait indéniable qu’une telle aventure constituera pour eux deux un souvenir gravé dans la mémoire, à tout jamais. Et c’est un beau souvenir, même sans savoir qu’ils se reverront. (Hâte de prendre le temps de regarder les suivants, cependant.)
The Beauty Inside, par Baik Jong-yul
Un film coréen recommandé par mes amies Lucie Ronfaut et Lucie Bryon, deux personnes à qui je fais aveuglément confiance.
C’est l’histoire de Woo-jin, qui se réveille chaque matin dans un corps différent. Homme, femme, jeune, vieux, Coréen ou étranger, il n’est jamais la même personne : s’il s’endort, il change de corps. Il vit une vie recluse, n’a qu’un ami qui connaît sa condition. Mais un jour, il tombe sous le charme de de Yi-soo, et pour la première fois, il aimerait rester le même.
Hmm, comment décrire ce que ce film m’a fait ressentir ? Il n’est pas du tout prétentieux, et pour autant, il m’a transportée et je ne suis toujours pas tout à fait descendue. J’ai aimé qu’il n’y ait pas de solution magique (spoiler, peut-être, mais Woo-jin n’est pas « guéri » à la fin, à méditer). J’ai aimé qu’il y ait des difficultés, mais qu’elles soient traitées avec douceur, sans pathos. Il y a quelque chose d’extrêmement doux et beau, à voir une personne tomber amoureuse de quelqu’un·e qui change d’apparence tous les jours. C’est comme si le film parlait à mon âme, celle qui pense que c’est justement d’une âme, qu’on s’éprend.
En bonus, la chanson du générique de fin, True Romance par Citizens!, me met de bonne humeur à chaque fois que je l’écoute.
Finir en beauté
Pourquoi mettre fin à mon banquet de comédies romantiques ? Pour répondre à cette question, il fallait d’abord me demander pourquoi je l’avais commencé. Pourquoi, d’avril à fin août, j’ai eu beaucoup de mal à lire autre chose que ces histoires absurdes, où le plus important est l’amour, et où ce qui existe en dehors de cela n’est qu’une périphérie lointaine, floue et finalement peu conséquente.
Parfois, la fiction joue le rôle d’une fenêtre vers le monde. On lit des romans pour découvrir des horizons inconnus, des psychés étrangères. On peut jouer à se faire peur, ressentir des émotions fortes, et en ressortir indemnes. Changé·es, toujours on ressort un peu changé·e par la fiction, mais indemnes. Et parfois le monde réel est trop dur, trop effrayant, et alors la fiction est une refuge. Dans ces moments-là, et d’avril à août j’ai vécu un moment comme ceux-là, je vais vers ce que je connais, ce qui me rassure. Je re-regarde des films et des séries déjà vus, dont le voyage émotionnel est déjà balisé par l’expérience. Je lis des comédies romantiques, dont la fin n’est jamais une surprise.
Je sais que ces périodes ont toujours une fin. Je reviens toujours plus forte. Je peux toujours sortir du bain. Mais pour finir ce cycle, j’avais envie d’une apothéose du connu et du qualitatif. J’ai donc relu et revu :
Orgueil et préjugés, de Jane Austen, et son adaptation en film par Joe Wright en 2005
Lu quinze fois, vu au moins une demi-douzaine, je connais cette œuvre par cœur et je la défendrai jusqu’à ma mort.
Pour cette fois, laissez-moi vous dire combien Orgueil et préjugés est DRÔLE. Si vous pensez impossible de pouffer devant un bouquin qui a plus de 200 ans, vous vous trompez, Jane Austen est forte comme ça. Ensuite, avec mes yeux d’aspirante écrivaine de romcoms, j’ai découvert avec stupéfaction que cette histoire, vieille de 200 ans !!! n’a quasiment aucun des défauts qui m’agacent prodigieusement dans les comédies romantiques modernes. Fou, non ?
Malgré le décorum imposé par l’époque et la rigidité des classes sociales, on a des personnages qui sont honnêtes l’un envers l’autre (ce qui ne manque pas d’amener son lot de complications). L’attirance n’est pas un coup de foudre qu’on a du mal à comprendre, elle est au contraire graduellement exprimée et doit faire face à des obstacles plus forts qu’elle. Dernière dinguerie : les deux protagonistes apprennent l’un de l’autre et ressortent grandis de leurs tribulations, après avoir travaillé sur eux-mêmes sans avoir même l’assurance de l’affection de l’autre. Désolée mais goals, comme on dit.
Quant au film, il y a peut-être des puristes de la version BBC dans la salle, et à elleux je présente mes excuses, je n’ai jamais vue parce que le film me convient parfaitement. Je trouve que c’est une excellente adaptation, rien à jeter, excellent casting, musique divine, photographie à tomber. Un simple régal dont on aurait tort de se priver. (J’ai désormais une tendresse étrange pour Matthew Macfadyen, qui joue Darcy, et a par la suite décidé de ne jouer que des imbéciles cruels, ce qu’il fait avec autant de brio que le héros romantique : pourquoi pas.)
J’espère que mon plaidoyer vous aura donné envie de laisser sa chance à un classique de la littérature anglaise qui n’a pas du tout volé son étiquette. Je suis genre trop heureuse que dans une période aussi troublée et incertaine, l’Univers m’offre la constance rassurante de l’amour que je porte à Orgueil et préjugés.
Voilà, de manière prévisible j’ai été bien plus prolixe que je l’ai souhaité, mais écoutez : c’est la rentrée, je bénéficie de quelques heures de travail supplémentaire cette année, et je suis en forme. Il faut en profiter.
On se retrouve bien vite, j’espère que votre été a été bon.
Pauline
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SNL, on Saturday Night Live est une émission de sketches américaine, une véritable institution qui a commencé en 1975. Quasiment toutes les stars du cinéma comique américain ont commencé chez SNL. ↩
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La recette classique de la romcom se mesure en pourcentage : à 30% du livre, les personnages s’embrassent, à 50% ils couchent ensemble, et à 80% un élément perturbateur vient tout remettre en question. C’est quasiment écrit dans le marbre, sur les tablettes sacrées des Lois de la Romcom. ↩
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Un truc qu’on voit de plus en plus souvent sur Bookstagram ou sur BookTok, à tel point que les maisons d’édition s’y mettent parfois : lister les tropes qui construisent un récit, surtout une romance. Je ne sais pas ce que j’en pense, c’est très prosaïque, pas très élégant. Un magicien ne révèle jamais ses trucs, etc. Fake dating, enemies to lovers, second chance... L’oeuvre de Abby Jimenez semble par exemple vouée à explorer chaque trope de la liste. Pourquoi pas ! ↩
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Christina Lauren est le nom de plume de deux autrices qui écrivent à quatre mains. ↩