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Journée de la visibilité bisexuelle : la version longue d'une histoire que j'ai postée sur Instagram, la version joyeuse d'une histoire que j'ai déjà racontée tristement.
Salut,
Aujourd’hui c’était la journée de la visibilité bisexuelle. J’ai écrit un post sur Instagram pour parler de ce que ça me fait, à moi, d’être queer comme ça. J’ai eu envie de le reprendre ici et de l’étirer un peu, à la fin d’une journée qui a commencé par moi qui dis à mon mec « tiens c’est ma fête aujourd’hui, ben oui c’est la journée de la visibilité bisexuelle » alors que ses parents sont juste à côté. Oh, si la Pauline d’il y a cinq, dix, quinze ans avait su. Qu’on allait arriver là .
Il y a presque 5 ans je glisse dans une note de bas de page quelque chose que jusqu’alors, je n’avais dit qu’à une poignée de proches. J’écris « en tant que femme bisexuelle ». Qui sait quel chemin j’aurais choisi ? Si l’homophobie n’existait pas ? J’écris en pensant que 200 personnes liront cela, que ce n’est pas si important, mais que je ne peux pas écrire ce livre sans me situer correctement. J’écris en me disant aussi, peut-être que mes parents liront ça. Mes parents à qui j’ai dit, adolescente, « je suis amoureuse de ma meilleure amie » et qui n’ont pas su l’entendre. Alors comme une tortue je suis rentrée dans ma coquille, longtemps.
Vous savez quoi ? Il y a presque cinq ans, écrire ça dans une note de bas de page, penser « peut-être que mes parents liront ça » et décider de hausser les épaules, c’était la chose la plus courageuse que j’avais jamais faite.
La fortune sourit aux audacieuxses : la note de bas de page a été traduite en vingt langues.
Mais être bi n’a jamais été une note de bas de page dans ma vie. Ça a toujours pris beaucoup de place. D’abord comme un trou noir : quand on n’a pas les mots pour se dire, est-ce qu’on existe vraiment ? Je ne savais même pas qu’il y avait autre chose que hétéro ou lesbienne, dans le dictionnaire des étiquettes dont on a parfois besoin. Je n’avais pas le mot pour expliquer ce que je ressentais. C’est pratique et c’est vicieux, d’être bi, parce que du coup j’ai pu me dire que je m’étais trompée et qu’il suffisait de me concentrer sur ce qui était acceptable, accepté.
Ensuite c’était comme un vêtement qu’on sort du placard et qu’on aimerait porter sans savoir si on a le droit. Quand on est une meuf mariée à un mec qu’on a rencontré à 16 ans, est-ce qu’on est queer, même ? De quel droit prendre ce mot et me l’approprier ? Aujourd’hui je suis toujours mariée à ce mec et j’ai un enfant avec lui. De loin sur le papier y a rien de moins queer. D’ailleurs on me l’a de nombreuses fois fait remarquer. Finalement, la misandre queer n’est rien de tout ça, puisqu’elle couche avec l’ennemi, se reproduit avec, alors qu’elle pourrait si facilement ne pas.
Mais moi je n’ai jamais été plus bi qu’aujourd’hui. Mariée, daronne, casée, complexe, nuancée, façonnée par les courants de ma vie.
Cette année je vais avoir 30 ans et je n’ai plus de gêne ni de honte ni de doute. Plus de gêne d’être bi mais en couple avec un homme, plus de honte de désirer des gens sans que leur genre n’entre dans l’équation, plus de doute parce que oui à l’adolescence, c’est facile de douter, est-ce que je dis ça pour faire mon intéressante ? Turns out je suis intéressante, et pas que parce que je suis bi (même si hey, c’est fucking cool).
J’ai 30 ans ça parait rien, je sais qu’on vit plus longtemps dans le placard, qu’on souffre plus longtemps. Mais je suis bisexuelle depuis toujours, je le tiens contre moi depuis 15 ans facile et quand je l’ai dit à la face du monde il y a 4 ans je tremblais qu’on me pointe du doigt et qu’on me dise « toi ? n’importe quoi ». Et c’est arrivé, et j’ai eu mal, mais cette fois par contre, j’avais autour de moi des meufs queer qui ne m’ont pas laissé rentrer dans ma coquille, dans mon placard, qui ont continué à me voir, à me reconnaître, à me dire tu es là tu existes je te vois.
Alors j’ai l’impression que c’était un peu long, oui, avant d’arriver à ce moment de ma vie où je ne tremble plus. Où je peux dire « c’est ma fête, je suis bi » au petit-déjeuner, parce que je n’ai plus honte et pour moi, la honte c’était pire que la peur. C’est il y a quelques jours, en riant sur des memes bisexuels et en les partageant avec des potes, queer ou non, que j’ai réalisé : ça y est, je n’ai plus honte. Ça fait un moment que je n’ai plus eu honte. Ça fait un moment que je suis fucking fière. Je suis tellement soulagée d’arriver là au seuil de mes 30 ans. Tellement heureuse qu’être bi prenne aujourd’hui de la place dans ma vie comme en prennent la joie, l’amour, la gratitude.
Merci à toutes les personnes dans ma vie qui m’ont vue comme j’étais. À vous toustes ici : je vous vois aussi.
À nos amours, à nos fiertés.
Pauline
PS : en écrivant je me suis dit, « j’ai déjà parlé de tout ça quelque part », alors j’ai vérifié. En juin 2021, à l’occasion du mois des Fiertés, j’avais déjà raconté cette histoire. Avec d’autres mots, à un autre moment de ma vie. Je me relis et je suis si, si heureuse de ne plus être triste. Rien que de la joie ce soir. Si vous êtes triste aujourd’hui, je suis là pour vous dire qu’on est là , et qu’après la pluie, un arc-en-ciel radieux vous attend.